MILLAM
Les interprétations ne manquent pas
quant à l'origine du nom de Millam. On a cru y voir la
contraction de Mildred's Ham (le lieu de Sainte Mildrède), la
déformation de Meullen Ham (le lieu du moulin) ou plus
audacieusement un dérivé de Mille âmes. En fait Millam
provient de Middel-ham, Middel signifiant milieu, centre et Ham
est une langue de terre qui domine des contrées basses,
marécageuses voire immergées voisines.
Les communes de Pitgam, Drincham ou même le bois du Ham qui eux
aussi dominent de quelques mètres de la Flandre voisine, ont la
même étymologie. On retrouve cette même idée dans des
communes normandes baptisées par les conquérants Nordiques,
ainsi Ouistreham.
La 1ère trace écrite de Millam remonte à l'an 826 soit sans
doutes près de 3 siècles après sa création, il
s'orthographiait Mudelham puis bien vite le nom se déforme en
Milham (1115) avant d'arriver à l'orthographe
moderne

Le village de Millam fut tout au long de
son histoire, et demeure, marqué par sa géographie. A côté du
Millam-haut -le ham- qui appartient à part entière à la
Flandre Intérieure aux petites ondulations, on trouve Millam-bas
qui fait déjà partie de la Flandre Maritime, inondable,
impeccablement plate. Des grands domaines naquirent dans ce
secteur qui demeura longtemps entre terre et mer.
Ces régions marécageuses, insalubres et inhabitées
appartenaient de droit aux comtes de Flandres qui eurent la
sagesse de les confier aux seigneurs locaux et surtout aux
abbayes qui avaient les moyens de les mettre en valeur.
En 1169 Philippe d'Alsace, ce comte qui s'attacha
particulièrement à notre secteur, fit assécher le marais de
Millam qu'il donna aux chanoines d'Aire sur la Lys. Il leur fit,
ainsi don de 1700 mesures où ils fondèrent en particulier la
paroisse de Cappellebrouck. Bauduin VII en 1115 puis Charles le
Bon en 1121 avaient déjà cédé 800 mesures (325 ha) du marais
de Millam (Paludem de Millam) à la toute jeune abbaye de
Bourbourg, fondée en 1101, ce secteur deviendra la seigneurie de
Mevrouwenbrouck, le marais de Madame (l'abbesse). En 1121 le
châtelain de Bourbourg y ajoute 132 ha qui formeront la
seigneurie du Burgravenbrouck, marais du châtelain. Une autre
seigneurie bien plus ancienne de Zinneghem dont il est fait
mention dès 668 et qui en 887 dépendait d'une autre seigneurie
de l'Artois. Elle deviendra plus tard la ferme des Clytes, d'où
le lieu-dit actuel " Les Clytres " situé dans la
partie haute du village. Le centre du village constituait la
seigneurie de Millam-Hofland et le sud Millam-Cuere avec une
petite enclave de la seigneurie de Ravensbergue qui s'étendait
surtout sur Merckeghem.
Tout cet ensemble qui dépendait de la châtellenie de Bourbourg,
créée en 1090, constituait avec la quasi totalité de 3 autres
communes : Holque, Cappellebrouck, Merckeghem, le territoire dit
des Quatre Vassaux, entitée très autonome qui possédait des
droits étendus tels que haute justice.
On retrouve tout au long de l'ancien régime mention des
seigneuries et des seigneurs de Millam. En 1458 Jean de Viefville
s'intitulait Seigneur de Millam. En 1517 et 1644, les seigneurs
de Millam avaient le droit de péage des Overdraghs de Lynck et
de Watten (A propos des Overdragh voir mention page 5 de la revue
n° 13). Wolfrand d'Ursel fut le dernier seigneur de Millam en
1789
Certains témoins de ces anciennes seigneuries demeurent à
Millam dans les belles fermes dont les pignons des maisons sont
datés du XVIIIème siècle et dans les vastes champs.
Sans doutes aussi dans son écusson : De gueules au chef d'argent
chargé de trois merlettes du champ.
Pourtant les plus belles bâtisses se concentrent autour du bourg
qui est construit à l'extrémité de cette langue de terre qui a
donné son nom au village.
Secteur longtemps situé au bord des marais, à la charnière des
deux Flandres. Les zones limites de deux finages sont toujours
des régions privilégiées qui profitent des ressources et des
avantages des deux sites.
Au Nord on se trouve brusquement dans la région des Wateringues
-3ème section- quadrillée de fossés drainant l'eau qui est
ensuite évacuée grâce à des Watergangs (allée d'eau) et
surtout un système de pompage compliqué et fragile. Bien que
l'on soit à 15 km de la mer l'altitude est de 1 à 2 m, la
région est inondable par la mer en cas de rupture des digues ce
que les envahisseurs ne manquèrent jamais de faire.
Ce sont les wateringues (cercles ou sociétés d'eau) qui ont
permis d'assainir au Moyen-age toute la région marécageuse et
insalubre. Associations donc fort anciennes auxquelles adhèrent
tous les gestionnaires de terres agricoles.
Ce secteur presque parfaitement plat n'a
jamais été couvert de forêt, les arbres y sont rares, de même
que les haies car l'élevage n'y fut jamais primordial. A la fin
du XVIIème siècle on y comptait 45 % de labours mais aussi 27 %
de friches, les terres étaient peut-être en partie délaissées
à cause des temps incertains, on était en période de guerre,
comme si souvent en Flandre. On peut donc évaluer les pâtures
au ¼ des terres.
En Flandre Intérieure c'est plus de 35 % de la surface qui
était en prés. Aujourd'hui 95 % des terres y sont en labour
pour 70 % dans le haut Millam.
On peut croire que les seigneurs de Millam, qui furent, entre
autres les abbayes de Bourbourg et de Watten, s'attachèrent
particulièrement à l'église de Millam. On sait en tous cas
qu'en 1083 l'abbé du Monastère de Watten consacra une église
à Millam, ce fut sans doutes la 1ère du village. Un siècle
plus tard en 1171, on évoque l'érection d'une chapelle
desservie par un chapelain, il peut s'agir d'une nouvelle église
de Millam.
Ce monument sans cesse réédifié plus grand et plus beau nous
apparaît aujourd'hui comme une des plus belles églises du
secteur, très riche par son architecture, son mobilier, sa
statuaire
Elle peut être présentée comme l'archétype
des églises de Flandres. La flèche de la tour dont on vient de
terminer la réparation date de 1620-1625 car de 1615 à 1625, le
curé et les notables du village levèrent un impôt pour sa
reconstruction. Vingt stuyvers à la tonne de bière et 2
stuyvers par lot de vin pour " remplacer la flèche de
l'église enlevée afin d'éviter la chute de la tour elle-même
". Ce même impôt servit également à réparer l'horloge.
La flèche a alors été réédifiée à une hauteur près de 2
fois moindre par rapport à la précédente.
Riche de ses demeures, de son église, le village était
également riche de ses hommes. En 1697, un médecin "
chirurgien " y vivait, aussi un serrurier. En 1685 une
école instruisait, en flamand, 25 garçons et 16 filles ce qui
n'empêchait qu'un siècle plus tard, une femme sur 2 demeura
incapable d'écrire son nom ainsi qu'un homme sur trois.
Il faut aussi savoir que vers 1700 un villageois sur 5 ou sur 7
était réputé mendiant. Beaucoup de villageois vivaient à la
limite de la pauvreté. Bien que les sols de Millam soient
fertiles, les rendements restèrent, là comme ailleurs longtemps
bien bas. En 1700 les récoltes de blé étaient de 11,25 hl à
l'hectare, les bonnes années.
Il fallait en réserver 3 hl pour les semailles, les loyers et
les taxes payées, il restait ¼ de la récolte pour la
consommation du cultivateur. On a ainsi pu calculer qu'il fallait
4 ha et demi de blé pour nourrir une famille moyenne et donc
compte tenu des rotations, jachères
une ferme d'au moins
13 ha.
Jusqu'à l'époque moderne les inondations, les épidémies dans
les élevages et bien d'autres maux menaçaient les villageois.
Pourtant le 1/3 des familles de Millam possédait au moins un
cheval et les ¾ des bêtes à cornes en 1697. Les cultures
étaient variées ; blé, sucrions (orge d'hiver), avoine,
seigle, fèves, vesces, colza, lin. On a longtemps filé le lin
dans de nombreux foyers.
Les pratiques culturales s'améliorèrent sans cesse, si bien que
la population de Millam s'accrut régulièrement pour atteindre
sa plus grande densité au milieu du XIXème siècle justifiant
alors son nom de " mille âmes ". En 1914 la population
était encore de 934 habitants. On frôla donc la densité de 100
habitants au km2, depuis la population ne fit que décroître
comme dans toutes les communes du secteur, pour atteindre le
minimum dans les années 1975-1985 avec 525 habitants. En 2010 la population a remonté à
790 , la densité n'en est pas moins de
seulement 63 habitants au km2.C'est sans doutes la quiétude de
Millam qui a attiré une cinquantaine de
personnes en quelques années. Ici la vie
s'écoule encore au rythme de la nature, les changements se font
lentement. Le bourg garde son aspect traditionnel avec ses
maisons soignées, aux briques de sable avec de grands motifs que
l'on appelle parfois runiques.
Village encore entouré de pâtures avec leurs haies, les maisons
dispersées dans la campagne sont également pleines de charmes,
même si la plupart des chaumières les plus remarquables ont
disparu, abandonnées ou démontées pour une reconstruction sur le site artificiel de Villeneuve d'Ascq !
Même le T.G.V. qui traverse la commune sur pas moins de 3200 m
ne semble pas l'affecter.