Architecture flamande
Visite guidée d'une maison flamande

Plusieurs auteurs ont décrit au début du XXème siècle la maison flamande traditionnelle. Nous vous proposons grâce à leur témoignage, la visite guidée d’une maison type telle qu’on n’en trouve plus que très peu.

Elle apparaît comme une longue maison blottie contre le sol. Sa toiture est en chaume que le temps a assombri avec ça et là une tâche claire, là où un chaume neuf a remplacé les parties les plus endommagées. Dans chaque village un spécialiste passe une partie de son temps à la bonne saison, à réparer les outrages du temps sur les toitures. On disait qu’une toiture se terminait habituellement par quatre ou cinq rangées de tuiles et à son faîtage «  s’alignent les joubarbes comme une rangée de pots de fleurs » écrit Raoul Blanchart en 1906. Selon lui à cette époque la moitié des bâtiments de campagne sont couverts de chaume. Matériaux auquel les villageois tiennent beaucoup pour son pouvoir isolant et ce malgré le risque d’incendie. Au milieu de la toiture à son faîte jaillit une large cheminée.

Sous la toiture les murs bas, sont en torchis. Lui aussi particulièrement soigné, rapiécé quand nécessaire, impeccablement blanchi à la chaux même dans les demeures les plus pauvres. « Pour mieux apprécier la propreté et l’aspect avenant de ces maisonnettes, il suffit d’escalader les pentes du Haut Pays d’Artois….les maisons se font moins bien entretenues…le badigeon est tombé par écailles et l’on voit sortir du torchis les pointes du soubassement en silex ».

La maison orientée au sud-sud-est est percée d’une série de fenêtres avec volets et de la porte d’entrée sur lesquelles se déclinent «  toutes les gammes du vert, du bleu et du jaune ».

Devant la maison, le jardin potager ponctué de taches colorées par les fleurs que l’on y trouve : giroflées, hortensias, lys et roses ; jardin entouré d’une haie d’aubépine. Un trottoir longe la maison, dans les fermes un muret surmonté d’une grille isole le trottoir et la maison des animaux de la ferme.

La porte d’entrée est généralement décentrée car l’on trouve deux pièces en façade d’un côté et une seule de l’autre.

Poussons la porte qui est parfois encore une « halve deur », porte en deux panneaux ; haut et bas qui s’ouvrent séparément et cela notamment dans les demeures modestes. Sinon la porte pleine est surmontée d’une imposte qui donne de la lumière à l’intérieur. Derrière la porte un large couloir dallé de pierres de Soignies ou de Marquise ou plus modestement de carrelages en terre cuite, au fond du couloir une autre porte donne accès à l’arrière de la maison. Ce large couloir permet au patron du lieu «  de baes » d’accéder au grenier avec un lourd sac de 100kgs de grains sur le dos, le raide escalier de meunier aboutit au couloir : escalier basculant accroché au plafond ou escalier fixe à côté du couloir.

D’un côté du couloir la pièce à vivre, «  het huys », la maison dit-on en flamand. C’est bien en effet le cœur de la maison, où l’on accomplit toutes les besognes quotidiennes, tout à la fois cuisine, salle à manger, salon, on y fait le repassage, on y élève les enfants.

Plan de la salle commune : het huys

 

Le mur opposé à la porte d’entrée est occupé par une vaste cheminée ; 1,70m de haut, 2m de large. Au XXème siècle elle est fermée et un grand feu flamand «  de stove », assemblé par le forgeron du village, s’avance dans la pièce. On a pourtant gardé l’habitude de placer sous le manteau de la cheminée un fauteuil de chaque côté de l’âtre où se tiennent les aïeux ou le père de famille. Le sol de l’huys est garni lui aussi de carreaux rouges de terre cuite ou reste encore en terre battue. Lavé tous les matins au « dweel », à la wassingue, on y répand ensuite du sable fin qui absorbe l’humidité. Les murs sont couverts d’un papier fin à fleurs ou colorés d’une peinture à l’huile de lin. Les solives sont sombres, noircies par la fumée et teintées au brou de noix. La grande table trône au milieu de la pièce, elle est encore parfois creusée d’alvéoles pour y déposer les assiettes, ou le grand plat au milieu de la table, dans lequel chacun se servira. Le reste du mobilier se résume à peu de choses, un buffet bas que l’on appelle souvent improprement le « shapprae », un coffre parfois, quelques chaises, une drôle de planche percée d’un grand trou et qui pivote autour d’une longue perche fixée au plafond et au sol, sert de trotteur pour les petits enfants.

Contre le mur « pomp steen », l’évier en pierre canalise l’eau de la petite pompe qui le surplombe, lorsqu’il y a un puits mais bien souvent encore l’eau est dans le seau en bois, cerclé de fer, on va le chercher à la mare voisine avec un « jog » (joug) sur les épaules.

Malgré le va-et-vient continuel et l’affairement, la pièce donne une impression d’ordre et même de coquetterie, avec les rideaux aux fenêtres, les bougeoirs et les lampes à pétrole en cuivre bien brillants sur le bahut et sur la planche de cheminée tout comme le crucifix sur pied de cuivre lui aussi et une paire d’assiettes décorées. Au mur une image pieuse encadrée ou un texte édifiant tel que « geloofdzij, jesus christus in eeuwicheid amen ! » (loué soit Jésus Christ à jamais).

Une porte sur le côté de la grande cheminée donne accès à une seconde pièce qui sert les jours de réception, elle est surélevée de 60 à 80cms car en dessous se trouve la cave si importante notamment dans les fermes. Non seulement on y conserve la viande, les fruits et la bière mais on y fabrique aussi le beurre et le fromage. Le sol de la voûte est en plancher, hormis quelques carrelages devant la cheminée. Cheminée jumelle à celle de l’« huys » et donc aussi vaste, elle a gardé son aspect d’origine car on n’y a pas mis de poêle, la pièce n’est pas souvent chauffée mais quand il le faut, on y fait un petit feu de bois. Peu de meubles dans la pièce, une armoire, un beau vaisselier quand on en possède un, pour les banquets on pose des tréteaux et les longues planches assemblées par le menuisier. Quand la pièce n’est pas sur cave, on l’appelle de « kamer », la chambre. Car quand la famille est nombreuse c’est là que dorment les parents. Mais c’est là aussi que l’on né et que l’on meurt, on installe alors un lit pour ces moments capitaux de la vie, c’est là encore que reposent les malades qui devront rester longtemps alités.

Plan de la chambre haute : het voute

 

 

De l’autre côté du couloir d’entrée se trouve la chambre à coucher, parfois deux, l’une au Nord, l’autre au Sud. Petites pièces justes suffisantes pour mettre un lit, une chaise et un coffre, elles sont parfois aussi sur cave. S’il y a toujours beaucoup de fierté à avoir une maison propre et coquette, il y a souvent encore beaucoup de pauvreté et le matelas est alors garni de paillettes, de paille ou d’herbe sèche et les couvertures complétées par des sacs ou des vêtements.

Au bout du couloir, face à la porte d’entrée, on trouve souvent la « kruys keuke », cuisine en croix. Il s’agit d’un petit bâtiment qui renferme une seule pièce et qui est accolée, perpendiculairement, à la maison. Ces « kruys keuken » se sont généralisées relativement récemment (début du XIXème siècle), imaginez la difficulté de raccorder les deux toitures de manière étanche. Les rôles de cette cuisine d’été sont multiples : on y fait la lessive, le pain, parfois le beurre. La pièce est fraîche, une porte latérale donne directement sur la cour, vers les étables. Elle remplace le fournil que l’on plaçait jusqu’alors au fond du jardin, de peur des incendies.

La « kruys keuke » abrite la « pump steen », le pétrin trouve sa place sous la fenêtre, il est couvert 

d’une planche, ainsi peut-il servir de table. Au fond de la pièce la cheminée monumentale occupe une bonne partie du mur pignon. La porte du four à pain s’ouvre sous le manteau de la cheminée, le four proprement dit étant lui à l’extérieur, accolé au pignon. La « kruys keuke » pièce polyvalente est toujours carrelée bien souvent de belles dalles de pierre que le temps n’arrive pas à user et qui sont lavées à grande eau parfois plusieurs fois par jour. On a déjà dit l’importance de la cave, voire des caves parfois vastes, elles sont généralement enterrées d’un petit mètre et tout juste suffisamment haute (1,60m) pour que nos ancêtres plus petits que nous puissent y tenir debout. Longtemps la cave fut le luxe de ceux qui pouvaient se payer un soubassement en briques et un carrelage en terre cuite qui puissent rendre la cave étanche à l’eau souterraine. Le plafond est généralement en plancher. Seules quelques maisons de maîtres et les plus belles fermes renferment de belles caves voûtées entièrement en briques.

Les caves possèdent dans un coin un petit puisard qui recueille l’eau pouvant s’infiltrer et l’évacue vers le fossé voisin, bien rares étaient les caves qui s’inondaient.

Leur rôle de garde-manger nécessite que les caves soient saines mais aussi protégées des insectes, un chaulage complet et régulier fait fort bien l’affaire. Le sol enfin est toujours impeccablement propre.

Sous le toit, le grenier est aussi un lieu bien utilisé, beaucoup d’ouvriers et d’artisans ont une petite pièce de terre si bien que le grenier conserve les grains de céréales, haricots ou oeillettes. Les jambons sèchent pendus contre la cheminée et contre les pignons on aménage des alcôves rudimentaires où dorment les grands fils ou les ouvriers et les bonnes.

Pas de luxe dans nos campagnes mais «  l’habitant de la Flandre intérieure vit autant qu’il le peut chez lui, dans sa maison souvent isolée des autres demeures ; il apporte tous ses soins à la rendre gaie et propre, il la préfère au monde extérieur où sévit un climat désagréable ».