LES CONSTRUCTIONS FLAMANDES

Les constructions de Flandre ont un aspect particulier, elles marquent notre région, font partie de nos paysages, de notre culture, de notre histoire, en un mot de notre patrimoine.
Il n'est pourtant pas facile de discerner ce qui fait l'originalité de nos habitations, on voit parfois qu'une maison est traditionnelle mais on ne sait pas pourquoi. Comme on sent que quelque chose dénote sans pouvoir le définir.
En fait quelques règles guident cette architecture traditionnelle, règles qui restent indispensables pour réussir une restauration lorsque l'on entreprend des travaux et même pour une construction neuve qui s'intégrera ainsi parfaitement dans son environnement.
Il existe des règles générales valables partout :
La première c'est la recherche de la simplicité dans les volumes ; la maison est d'abord un cube avec un toit. Dans les matériaux, la Flandre ne connaît pas la pierre. Il ne faut jamais en incorporer dans la maçonnerie, seuls la brique et le torchis (ou l'aspect torchis) sont présents. Simplicité aussi dans les ouvertures qui ont toujours une unité dans leurs formes et dans leurs volumes.
La seconde règle générale est l'intégration de la maison et de ses abords dans leur environnement. La maison doit se fondre dans le paysage et non l'agresser. Cela signifie que les constructions dans la campagne doivent être basses puisque le relief est plat, dans les bourgs elles se contenteront d'un étage au maximum.
La campagne est verte, l'environnement immédiat de la construction sera lui aussi fait de verdure. Il faut proscrire les vastes plans goudronnés, les grandes entrées en béton, taches grises et lisses. La maison est en briques, on la prolonge par des trottoirs, des cours en briques qui rejoindront l'herbe et les arbres de la campagne par le relais du jardin. L'habitat traditionnel en Flandre est dispersé, il faut chercher à conserver cet habitat lâche qui n'exclut pas la présence de voisins.
La troisième règle générale est le relief, la douceur, l'absence de rigidité des matériaux. En Flandre cela se traduit par des tuiles creuses ; la panne flamande aux tons chaleureux de l'orange au rouge sombre, verdie parfois par la mousse ou la panne vernie qui brille au soleil. Le relief de la tuile donne des lignes d'ombre et de lumière. La brique des murs est-elle aussi changeante de l'orange au brun, rugueuse pas trop droite, à mille lieux de la briquette de parement fade, impeccablement rigide. La briquette de parement n'a aucun intérêt, ni esthétique puisqu'elle est monotone et insipide, ni au niveau de la protection contre l'humidité. Dans les maisons anciennes l'humidité remonte essentiellement du sol, l'humidité des façades dues à la pluie sera combattue par la projection d'un produit hydrofuge qui laissera respirer la brique, au contraire de la briquette qui enfermera l'humidité entre la brique et son parement. La briquette est donc chère et inutile.
La quatrième règle générale est la fonctionnalité de la construction. La maison est une création utile dont le but est d'héberger des hommes, de les protéger, de leur permettre d'y vivre et d'y travailler. Il n'y a donc pas lieu d'y ajouter des avancées, d'y mettre des décrochements inutiles, des pergolas qui ne correspondent pas à notre climat, comme il est
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malvenu de construire de faux puits avec margelles devant la porte, la Flandre n'ayant jamais connu ces objets.

Pour nous protéger au mieux, la maison doit être adaptée au climat. Ses défenses face aux éléments naturels sont une bonne part dans l'unité et l'harmonie du bâtiment. Si l'on prend en compte toutes les contraintes de notre climat, on réinvente la maison flamande, on la comprend et on évite des erreurs. Chez nous il pleut souvent, il y a un vent d'ouest presque permanent, il y a peu de soleil. La maison flamande doit donc se préserver à la fois de la pluie et du vent, tout en cherchant le soleil. Un toit à forte pente évacuera cette eau (les régions où il pleut fort mais rarement auront un toit plat puisque l'eau d'une forte pluie s'évacuera toujours, pas celle d'un crachin). La pluie fouettée par le vent tapera sur les murs, on fait des murs bas, bien protégés par le toit qui déborde. On se protège du vent d'Ouest en lui présentant un petit côté de la maison, un pignon. Pignon qui aura un minimum d'ouvertures. Maison recroquevillée donc pour se protéger des éléments et maison qui devra pourtant rechercher le maximum de ce soleil que la nature nous livre avec parcimonie. On tournera donc une longue façade au soleil, au sud. Mieux, elle sera légèrement tournée vers l'est ; au soleil de 11h, ainsi pas de courant d'air le long de la maison et un soleil plus matinal qui réchauffera plus longtemps la maison. Quand le soleil brille, qu'il soit haut dans le ciel ou bas à l'horizon, il faut le faire rentrer dans la maison. Une solution, avoir des fenêtres allongées, hautes plutôt que larges. Elles commencent juste sous le grand auvent de la toiture. Des fenêtres plein la façade sud qui capteront lumière et chaleur mais qui refroidiraient la maison, le soir, si les fenêtres n'étaient pas équipées de volets.

 

Maison typique à Millam bien exposée au soleil (photo Yser Houck 1998)

 

 

 

 

 

A l'inverse la façade Nord n'a rien à gagner à avoir de grandes fenêtres, on en mettra le minimum. Alors pour que l'intérieur de la maison soit quand même bien éclairé, on l'allongera et on la bâtira plus étroite (ainsi toutes les pièces principales auront des fenêtres au sud) quitte à lui adosser des appentis qui feront descendre encore plus bas les toitures Nord pour réchauffer encore mieux la maison. Le dernier et meilleur moyen de chauffer la maison en hiver c'est la cheminée. C'est autour de la grande cheminée double que se bâtie la chaumière. C'est la première chose qui sortira de terre, c'est la dernière qui sera détruite. On dit que jadis un propriétaire ne pouvait pas refuser à celui qui avait su monter sa cheminée dans la nuit de construire sa maison en cet endroit.
Et c'est ainsi que des propriétaires de maisons ne possèdent pas la terre sur lesquelles elles sont bâties.
Les maisons plus longues, aux pignons de briques, ont des cheminées adossées intérieurement à ces pignons.
Des cheminées, c'est bien, à condition qu'elles aient un bon tirage. Or dans un pays venteux, gare aux refoulements, aux tourbillons, alors la cheminée sortira bien haut, toujours au faîte du toit, une chance, la charpente flamande s'y prête bien.
L'air de rien nous venons de reconstituer à gros traits la maison flamande grâce au vent, à la pluie et au soleil. Ce qui est extraordinaire, c'est qu'un bâtiment conçu pour être fonctionnel est tout harmonie, élégance et beauté sans l'avoir recherché. C'est le bon sens qui donne le bon goût, et du bon sens, le Flamand n'en manque pas. Il aime aussi le travail et le travail bien fait, sa maison sera soignée. Comme tous les grands travailleurs, le Flamand aime et a besoin de la fête avec ses couleurs et ses rires. Sa maison aussi sera gaie. Les cieux sont gris, briques, chaumes, tuiles sont sombres, alors on peindra portes, fenêtres, volets pour donner un air de fête à sa maison, pour donner envie d'y entrer. Les boiseries sont toujours peintes de couleurs qui tranchent sur les murs. Des couleurs claires sur les murs de briques, des couleurs soutenues sur les torchis blancs.
Les briques elles-mêmes contribuent à égayer les façades par les combinaisons des briques rouges (d'argile) et jaunes (de sable) que l'on retrouve sur les linteaux, les wambergues et les dessins (runes) sur les pignons.
Le travail soigné, ce sont aussi tous les détails qui atténuent la rigueur du bâtiment ; les fers d'ancrages qui souvent marquent la date de construction, les frises en briques sous la toiture, les joints de briques noirs aux soubassements et aux wambergues, le linteau travaillé de la porte, la brique saillante en haut de la cheminée...
En fait pour restaurer ou reconstruire flamand sans commettre d'erreurs, il faut d'abord prendre le temps de se promener dans la campagne pour bien observer ces maisons anciennes si harmonieuses, il faut se garder de vouloir faire original mais au contraire faire simple, pour les bâtiments anciens rechercher son aspect d'origine et le reconstituer, se demander continuellement même pour les détails si l'on ne commet pas d'erreur.

On obtient ainsi un bâtiment plein de noblesse, de charme et avec une âme et ça ne coûtera pas forcément cher.

Le Pays des Moulins a édité plusieurs guides que vous pouvez télécharger à partir du site internet

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