BUYSSCHEURE
De Buysscheure, village situé
aux confins de la Flandre, on aperçoit les collines de l'Artois.
Pourtant la commune demeure totalement flamande et elle le fut de
tous temps, Tisje-Tasje, symbole de notre province n'y est-il pas
né ?
A l'écart des grands axes de communication, doté de paysages
agréables, Buysscheure à su préserver son cadre de vie. Non
pas en vivant replié sur lui-même puisque le village a vu
s'édifier depuis quelques années de nombreuses constructions
nouvelles. De jeunes couples séduits par la quiétude et la
verdure, ont choisi d'y vivre.
Les 615 hectares de Buysscheure abritent aujourd'hui 419
habitants soit 68 habitants au km2, en augmentation régulière
depuis 1975, année où elle connut sa population minimale. (376
personnes). On est cependant loin du chiffre record de 955
Buysscheurois mais ce fut en
1829.
Carte de Buysscheure 1874/76 (extraite d'une carte de l'Atlas du Nord). Remarquer la quantité d'habitations dispersées dans le village et deux moulins.
Si le village de Buysscheure,
comme partout en Flandre, a été fort peuplé depuis le
Moyen-age, son peuplement s'est peut-être effectué plus tard
que dans le reste de l'Houtland. La forêt a du rester longtemps
présente, au moins sur la moitié sud du territoire, où les
terrains argileux et vallonnés sont pauvres et difficiles à
travailler.
Le nom même du village rappelle (sans doutes) l'idée de
défrichement de la forêt par l'homme : Buysscheure signifiant
bois-déchiré ou défriché. La correspondance en français
serait l'essartage qui a donné de nombreux Sart ou Essart au
Xème sicle et plus tard. La création de Buysscheure serait de
la même époque. On ne trouve pas ici de racine franque ou
saxonne des VI et VIIème siècle comme les -zeel- -hove ou hem-
des villages voisins. On ne peut cependant pas conclure qu'aucun
homme n'a habité dans le secteur avant la naissance du village,
témoin le squelette découvert lors du chantier T.G.V. qui
pourrait être celui d'une femme gauloise. Le passage de la voie
romaine Cassel/Watten au nord du village a bien pu aussi fixer
des habitants.
Buysscheure vers 1950
Les premières traces écrites
du village nous les devons à ses seigneurs qui furent parfois
prestigieux. Nous connaissons en premier lieu Wautier de Buscure
qui fut un grand bienfaiteur de l'église (ce qui lui valu de
conserver la mémoire de son nom et de celui de son village).
En 1209, il donna la dîme de Volckerinckhove et de ses
dépendances à l'église de Watten. C'était donc un seigneur
assez important pour posséder la dîme d'un village voisin. En
1213, il fit des dons à l'abbaye du Ravensberghe à Merckeghem.
En 1253 et 1254, il est fait mention d'une terre appelée "
Helle ", située à Buysscheure, orthographié Buscure puis
Buschure, terre qui appartenait à Isabelle et Philippe
d'Helfaut.
Plusieurs lignées des plus grandes familles des Pays-Bas furent
à cette époque, successivement seigneurs de Buysscheure. Au
XIIIème siècle Adelis, dame de Buysscheure lia son fief à
celui des Dendermonde, lors d'un premier mariage avec Walter II.
Les Dendermonde étaient des grands seigneurs de la région
d'Anvers. Un second mariage d'Adélis lia la destinée de la
seigneurie à celle des Grimbergen -famille des plus puissantes
du Brabant (région de Bruxelles)-. Les seigneurs de Grimbergen
laissèrent leur nom à un lieu-dit situé maintenant à
Lederzeele, à la limite ouest de Buysscheure. Une vaste motte
féodale encore en bon état témoigne de la présence du
château du seigneur. Une belle allée rectiligne, de vastes
champs sont les vestiges de sa propriété.
Au début du XVème siècle, la seigneurie passe au mains de
Colaert de la Clyte (1), homme de grande noblesse, proche du duc
de Bourgogne, alors souverain des Pays-Bas et donc comte de
Flandre. Ses armoiries sont devenues celles de Buysscheure.
De gueule, bordé d'or à un chevron d'or, accompagné de trois
coquilles de même.
La terre de Buysscheure passa en 1465 à la famille ses Van
Hallewyn. A cette même époque Jacques Drieux, chevalier de
Jérusalem vivait à Buysscheure, il y décéda le 6 octobre
1436, il y naquit sans doutes aussi. Il fut le premier maillon
connu de cette fameuse et innombrable famille des Drieux. Il
repose depuis plus de 5 siècles ½ en l'église de Buysscheure
à côté de son épouse Catherine Van Steenbecque décédée en
1428.
La lignée des seigneurs de Buysscheure se continua jusqu'à la
révolution. La révolution, qui amena de grands bouleversements
dans tout le royaume, fut d'abord bien accueillie. Les habitants
de Buysscheure, en rédigeant leur cahier de doléances,
espéraient surtout alléger leurs impôts et connaître une
justice plus efficace et moins onéreuse, la moitié des articles
du cahier se rapportent aux magistrats de Cassel et les deux
derniers des 14 articles sont des plaintes contre le haut clergé
qui perçoit l'impôt mais ne remplit pas ses devoirs. Mais bien
vite les Buysscheurois sont déçus de cette nouvelle époque
dont les réquisitions, les guerres et l'anticléricalisme les
irritaient. Tisje-Tasje s'en moqua dans ses chansons et les
frères Derudder, prêtres originaires de Buysscheure, lui feront
front avec vaillance.
Buysscheure fut et demeure
flamand depuis la nuit des temps disions nous. Il n'est pour s'en
prouver qu'à lire les patronymes sur le bottin téléphonique ou
plus simplement regarder les plaques de rues qui sont toutes dans
la langue de nos pères. Rien n'est inventé pour faire "
folklore ", la municipalité a simplement transcrit les noms
tels qu'ils figurent sur le cadastre :
Hoveraere Straete (Rue de la Butte), Heuzel Straete (Rue du
Verglas), Papote Straete (Rue de la Boue), Vuyle Straete (Rue
Sale), Pauwer Straete (Rue du Repos), Langhemast Straete (Rue du
Long tronc), Niewe Straete (Rue Neuve), Buysscheure Straete (Rue
de Buysscheure), Popelier Straete (Rue des Peupliers), Hondenest
Straete (Rue de la Niche au chien), Cuisine Straete (Rue de la
Propriété de Campagne), Viervoet Weg (chemins des 4 pieds),
Groene weg (chemin Vert), Poorte Weg (chemin de la Porte), Boeren
Weg (Chemin des cultivateurs), Iptie Weg ( ?).
Le cadastre nous révèle également les noms des lieux-dits :
Steersbeek, déformation de Steenbeek ( ?) ruisseau caillouteux,
Hondenest (niche à chien), Oost Veld (champ de l'est), Keulen
(le creux), Meullewal (sentier du moulin).
On signale déjà au XIIIème siècle à Broxeele un lieu -dit
Meullewal serait-ce le même ? Et le lieu-dit Le Pelle, serait-il
le " Helle " du XIIIème sicle ou s'agit-il plutôt du
lieu-dit Hollebeke situé à la limite ouest de Buysscheure,
aujourd'hui sur le territoire de Lederzeele ?
Toujours est-il
que ces différents noms remontent fort loin dans le temps. Les
villageois qui sillonnaient le village à travers champs par des
sentiers aujourd'hui disparus transmirent verbalement les noms de
ce terroir qu'ils connaissaient, dans ses moindres recoins et que
bien souvent ils ne quitteraient jamais. Leur dernier voyage les
conduisant à l'ombre de leur église en laquelle ils avaient une
telle confiance.
Cette église témoin de tous les événements de la communauté
villageoise était sa protection morale ou même physique dans
l'adversité. Ainsi en 1302, les hommes d'armes retranchés dans
l'église repoussèrent l'envahisseur français qui venait
d'occuper St Omer : "
Elle avait une si forte
garnison, qu'ils n'obtinrent aucun avantage " et
renoncèrent " à leur assaut
".
Le monument que nous connaissons aujourd'hui n'a pas connu cet
épisode puisqu'il fut presque totalement reconstruit en 1693.
En 1759 l'église fut
prolongée de 2 travées et en 1901 on bâti les 2 petites
chapelles latérales. Le XVIIIème siècle nous a légué un
mobilier remarquable : le banc de communion, les confessionnaux,
des statues de St Joseph, Jésus flagellé et St Jean-Baptiste
patron de la paroisse (fêté le 24 juin), 3 calvaires et des
fonds baptismaux en marbre. Le XIXème siècle a enrichi
l'église d'un buffet d'orgue (1849), des autels de St Joseph
(1865), de la vierge (1854) érigé dit-on grâce aux dons des
fidèles, de l'autel principal qui vient de Noordpeene.
Les remaniements de l'église furent tels que la tour, chose
exceptionnelle, se trouve au chevet de l'église. Le clocher de
pierre haut de 36 m abrite 2 cloches, la plus grosse de 363 kilos
a eu quelques mal à venir jusqu'à nous puisque fêlée, elle
fut refondue en 1865 puis à nouveau en 1893.
Le clocher point de repère dans la campagne est aussi une cible
privilégiée de la foudre qui l'endommagea en 1967 puis en 1976.
Buysscheure possède encore quelques anciennes demeures témoins du passé et des anciennes activités rurales mais il ne conserve plus que le souvenir et une paire de meules de ses deux moulins.
Ses paysages heureusement ont peu changé et la Source de l'Yser (ou une des sources) qui se trouve au nord du village, a retrouvé son ancien aspect. Une mare entourée de verdure, nouvel havre de paix, remplace une précédente comblée il y a quelques années.
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